Gwen Ru

Toujours plus à l'Ouest
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Toute l’histoire de notre tour du monde à la voile sur le Gwen Ru, un petit Oceanis de 10m.


De Darwin aux Cocos… Heu à Bali

Janvier 2010
Seb

 

Ce qui était prévu

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Avant toute nav, on regarde les pilot charts. Ces cartes qui nous donnent les vents et les courants chaque mois pour une région donnée.

Les Pilot charts de l’Indien nous prévoient un peu de vent dans le nez de Darwin à Ashmore reef, puis du près jusqu’à Christmas et enfin le retour des alizés dans le 120°. Ceci avec un courant portant à l’Ouest.

La saison de mousson du Nord-Ouest est décrite comme une saison de vent faible de Nord-Ouest quadrillé de gros nuages possédant chacun leur aérologie personnelle. Ce que nous avons déjà expérimenté en mer d’Arafura. Ce qui veut dire que la première partie devrait se faire surtout au moteur.

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Même si nous sommes un peu tard en saison, sur le papier, ça ne parait pas si mauvais.

 

Le départ

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On quitte Darwin, le 24 décembre 2010, comme une bombe, avec plus de 3 noeuds de courant qui nous pousse aux fesses.

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La dernière lessive est encore en train de sécher.

La première journée est agréable, et nous filons tranquillement vers l’Ouest, direction Ashmore Reef. C’est un récit à fleur d’eau marquant la fin de la mer de Timor. On passera alors de 40m d’eau à l’océan indien avec ses 4000m de profondeur et la houle qui va avec.

 

T’étais pas au courant ?

Première mauvaise surprise. Le courant qui était censé porter à l’Ouest, porte au Sud-Est, puis au Nord-Est suivant la marée, et il est fort. On a du mal à s’extraire du golfe de Joseph Bonaparte. On l’aura dans le nez jusqu’à Ashmore…

 

La mousson du Nord-Ouest

Nous retrouvons les conditions de nav de la mer d’Arafura.

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Un vent d’Ouest d’environ 8 noeuds qui nous fait faire du près serré pendant quelques heures toutes les voiles dehors sous un ciel bouché. Puis au fur et a mesure que nous approchons des grosses lignes de nuages bas, il forcit, tout en passant Sud-Ouest.

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Le nuage se présente souvent comme une longue ligne de front, qui lui avance, parfois très vite, vers le Sud-Sud-Est. Quand on en est à deux miles, il faut virer de bord, ranger le génois et prendre des ris en prévision de la claque qui ne va pas tarder à arriver.

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Si on a viré à temps, on peut éviter la trombe d’eau et le vent ne monte pas à plus de 35 noeuds. Si on a été trop lents, on passe sous la douche, et ça peut monter haut pendant une ou deux minutes. Ensuite, on a droit au calme plat.

On fait alors une ou deux heures de moteur, et on recommence.

Ce qui nous fait faire des journées avec des trajectoires en arc de cercle. 120 miles parcourus mais seulement 50 miles vers l’Ouest.

 

Joyeux Noël

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On fête Noël dignement à coup de petit fours et petit Clos Figeac, alors que la météo est encore avec nous et nous offre une soirée agréable.

 

La nav c’est surtout des rencontres

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L’avion des coastguards qui viendra nous dire bonjour tous les jours jusqu’à Ashmore reef.

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Une station de pompage de pétrole. Une énorme barge mouillée sur plusieurs ancres et reliée à des pompes sous-marines.

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Un fut, puis un bloc de polystyrène à la dérive.

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Un gros perroquet gris du Gabon qui vient passer la nuit sur les panneaux solaires. Et nous les repeindre par la même occasion.

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Des bateaux de pêche qui ratissent la mer et nous tournent autour la nuit éclairés par d’énormes projecteurs.

 

L’indien

La nav jusqu’à Ashmore reef est extrêmement frustrante à cause des courants. Nous y arrivons pour le 1er janvier après un réveillon sous des trombes d’eau. Il aura fallu 8 jours pour faire 450 miles.

Le vent souffle fort de l’Ouest, c’est râpé pour mouiller dans le récif… Une autre fois peut-être ?

Une fois passé Ashmore, moins de courants, on continue de tirer des bords au près très serré, voire au moteur à petit régime dans la pétole. On tire plein Ouest pendant 6 jours avec une moyenne de 60 miles vers l’Ouest. C’est pas glorieux. La houle devient sérieuse avec quelques mètres de creux.

La pompe à eau est en train de rendre l’âme. La fuite ne venait pas du joint, refait à Darwin, mais des roulements de l’axe. Elle fuit de plus en plus.

 

A trop se trainer, on entre en période cyclonique

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Les sms météo reçus tous les matin sur l’Iridium ne sont pas terribles. Ca castagne dur derrière nous sur les côtes Australiennes.

Le 7 janvier nous décidons de tirer un long bord tribord amure vers les Sud-Ouest. Objectif, aller chercher les alizés qui ne sont plus très loin maintenant. Au cours de la journée, puis de la nuit, le vent ne cesse de forcir. Je passerai la nuit dehors avec la sensation qu’il y a quelque chose de gros planqué qui attend juste de nous tomber dessus.

Le lendemain le vent continue de forcir. Ca devient franchement trop gros. Les sms météo nous annoncent une zone de vent nulle au Sud-Ouest… Ca parait bizarre…On se branche alors à Internet via l’Iridium pour récupérer une carte globale de la zone. Miracle, pour une fois ça passe. A la vue de la carte des vents, et de la grosse dépression qui se forme juste devant nous, courage, fuyons !

On ne peut pas revenir en Australie, les dépressions tropicales s’y déchainent les une après les autres. On fait donc un demi-tour direct, et on se barre au Nord. Objectif: s’éloigner de la dépression, et se planquer derrière le relief des iles indonésiennes.

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Deux jours en fuite au près plus ou moins serré, sous solent et grand voile au second ris. En dessous de 30 noeuds de vent, on est à 60° du vent. Entre 30 et 35 noeuds, on passe à 47°, au dessus de 35 noeuds à 44°. Une ou deux fois, on prendra à contre, poussés par les vagues. Dans ce cas là, on est pas fiers.

On a eu un vent stabilisé max à 51 noeuds, et des pointes instantanées à plus de 60. Ca fait beaucoup.

Il faut à la fois aller vite pour se mettre en sécurité, car la tempête doit forcir dans les prochaines 48h, et doucement pour enrouler les vagues au lieu de décoller sur la première pentue et venir se planter en mode sous-marin dans la suivante. Le pilote barre comme un chef. Nous passons nos journées, brassés, la télécommande à la main, à surveiller la force du vent et ajuster notre angle.

Je m'attends à chaque instant à voir les voiles éclater, le bateau se coucher, ou le safran lacher. Mais ça passe. On monte et on descend des montagnes liquides. Je n'ai jamais vu aussi gros. C'est juste énorme. On les monte, et on les dévale, parfois aussi on passe à travers et le cockpit se remplit d'eau.

Je suis bluffé par le comportement extrêmement marin du Gwen. On pourra dire ce qu’on veut de l’Océanis 331, je maintiendrai que c’est un EXCELLENT voilier !!!

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Enfin, on arrive en vue de Lombok. Le vent tombe et la hauteur des vagues diminue. Et alors que nous venons de faire 230 miles en moins de deux jours, le pied sur la pédale de frein pour ne pas décoller sur toutes les vagues, on mettra 24h au moteur, avec jusqu’à 3 noeuds de courant dans le nez pour faire les 34 miles qui nous séparent de Bali.

Bilan : Pas de casse, juste de l’usure. Autant le bateau que l'équipage a besoin de souffler. On remplacera la pompe à eau et on fera renforcer les voiles à Bali. Quand à nous, on va dormir un peu et se faire un petit spa balinais :)

 

Une rencontre avec un petit cyclone (dépression tropicale plus exactement) qui mettra le boxon en Australie pendant 10 jours, pas de casse et toujours en vie ! C'est pas la grande classe ça ?